Nous autres, redacteurs de Pix’n Love, n’avons pas pour habitude de consacrer les pages du mook a la narration de nos peripeties. Pourtant celle qui m'est arrivee ce jour-la aurait peut-etre meritee sa place.

Voici donc toute l'histoire qui se cache derriere le dump de la version 128Ko de TITAN... 
La version disquette de TITAN


F.C.E


Tout a commence il y a de cela bien des annees, avant meme que Pix’n Love n’existe ou que j’envisage de devenir un jour redacteur. A cette epoque, j’etais extremement assidu a fr.comp.emulateurs, un newsgroup du reseau Usenet, veritable repaire de nostalgiques en quete des gros pixels que leur avait detrousse la technologie. Une technologie qui etait d’ailleurs desormais capable de ranimer ces bons vieux pixels flashy sur les ecrans plats derniere generation via le flux constant d’emulateurs toujours plus veloces et compatibles : une belle revanche !

Un beau jour de l’annee 2000, un message pour le moins concis fleuri sur le groupe de discussion :

"Je suis le programmeur de TITAN sur CPC et je recherche la version disquette du jeu."


Philippe Pamart, qui etait l'auteur de ce message, precise aujourd'hui :

"Effectivement, c’etait a une periode ou je scrutais attentivement ce qui se deroulait dans le monde de l’emulation. Les processeurs affichaient une puissance enfin suffisante pour pouvoir retrouver les veritables sensations du gameplay des annees 1980-1990 avec des titres prestigieux que j’ai eu un enorme plaisir a redecouvrir."

Jaquette du jeu TITAN


Philippe Pamart,
programmeur de TITAN
 

Ecran-titre de la version K7


Ingame de la version K7
TITAN 64 Ko


Pour moi, qui oeuvrais alors activement pour la cause Amstrad et qui portait justement un pseudonyme homonyme (TITAN) depuis l’age de mes 11 ans, autant dire que cette requete avait instantanement attire mon attention.

Determine a aider le quidam dans sa recherche, je fouillais immediatement dans mes nombreux SET, ainsi que sur Internet, la ROM tant convoitee... en vain. Seule la version cassette venait inlassablement ponctuer mes interminables recherches.

Je devais donc me rendre a l’evidence que cette obscure version disquette n’avait, etrangement, encore jamais ete dumpee (transferee du support original vers un fichier apte a l’emulation).
 

Dumping


L’histoire aurait pu s’arreter la si deux ans plus tard, par un heureux concours de circonstance, je n’avais pas remis la main sur l’Amstrad CPC de mon enfance...

Pousse par la curiosite et l’envie d’y croire, c’est cependant sans grande conviction que je deballais les nombreuses disquettes 3 pouces qui avaient ete precieusement conservees dans l’obscurite d’un profond placard, derniers vestiges d’une machine que j’avais autrefois possede.

Liberant de sa torpeur l’imposant carton de couleur marron et livrant a la lumiere du jour son precieux contenu, je passais en revue, un a un et avec une certaine febrilite, chaque boitier cristal. Mais alors que s’amenuisent de concert nombre de disquettes et enthousiasme, voila qu’un magnifique TITAN inscrit au crayon sur la face avant d’un boitier vient arreter net les mouvements rythmes et nerveux de ma main !

Tel Indiana Jones decouvrant un Graal dont il commencait a douter jusqu'a l’existence meme, je brandissais fierement ma trouvaille.

S’en suivit alors un veritable parcours du combattant pour tenter de dumper cette copie pirate du fameux jeu "version etendue" de Titus.

Bien que requerant quelques connaissances techniques, le plan etait, dans l’absolu, finalement assez simple : grace au logiciel MS-Dos CPCDread je pourrais transferer le contenu de la disquette CPC vers un fichier DSK propre a l’emulation. Mais auparavant il fallait absolument que trouve le moyen de copier ladite disquette 3 pouce Amstrad vers une disquette 3 pouce ½ afin de l’inserer dans le PC. Ce petit detail regle par la fabrication d’un cable de liaison entre le CPC et un lecteur 3 pouce ½ externe, il ne me restait plus qu’a lancer une copie integrale avec Discology...

 Et c’est la que les problemes ont commence. Malgre de multiples essais et reglages du celebre copieur de Meridien Informatique, impossible de cloner la disquette Amstrad : La structure inhabituelle de ses pistes 8 et 9 ou siegeait la protection du jeu generait une version 3 pouce ½ totalement inutilisable avec CPCDread...

Disquette originale de TITAN


Cassette originale de TITAN


CPDread : Config et ligne de commande !

Ecran de copie de Discology annoncant que la duplication de TITAN ne va pas fonctionner a cause de la protection.
Protection


Depite mais pas decourage pour autant, je decidais de reprendre contact avec Philippe Pamart dont j’avais precieusement conserve l’adresse eMail durant ces deux annees, dans l’espoir d’obtenir quelques informations sur cette satanee protection et, qui sait, peut-etre meme trouver le moyen de passer outre.

Helas, si l’annonce de ma trouvaille avait fait naitre beaucoup de joie chez le sympathique programmeur, elle etait cependant nuancee par le fait que le souvenir que lui avait laisse la protection de TITAN etait qu’il l’avait concu dans une optique d’invulnerabilite maximale afin de retarder son piratage...

Demeurant toujours inviolee au bout de 12 ans, autant dire que l’efficacite de son travail n’etait pas a remettre en question ! Je saisissais alors pourquoi cette version de TITAN n’avait jamais franchit les disquettes 3 pouces du CPC. Si la situation semblait s’opacifier, il me restait toutefois encore une derniere carte a jouer : tenter d’enquerir l’aide des anciens pirates, et amis, qui hantaient parfois les couloirs de fr.comp.emulateurs. Je ne le savais pas encore, mais mon intuition allait s’averer payante.
 

Happy End


Sur le joyeux forum de discussion, un certain Jean-Marc me proposait rapidement de lui expedier ma disquette originale afin de tenter de la deplomber. Mais avant meme que je ne pourliche la colle de l’enveloppe renfermant la galette recalcitrante, il m’informait dans un second post qu’il avait trouve sur un site Amstrad obscure, la version disquette de TITAN fraichement dumpee !
Un petit genie etait finalement venu a bout de la protection !

 J’envoyais aussi tot le fichier DSK a Philippe Pamart : nous etions le 17 juin 2002.


Philippe Pamart precise : "Le secret de cette protection reside dans le fait qu’elle opere sur deux niveaux. Dans un premier temps, nous avons procede a un formatage tres special de la disquette par la creation de secteurs atypiques de 8 Ko (soit 8192 octets) par piste. Il faut savoir en effet que les disquettes 3 pouces du CPC sont sensees ne posseder que 6 Ko (soit 6250 octets) utiles par piste. Avec notre formatage maison, nous etions donc bien au-dela des conventions, entravant ainsi la bonne marche des logiciels de copie. La realisation de ce formatage hors-norme avait induit le bidouillage du servomoteur du lecteur afin d’eviter tout ecrasement en fin de piste et, ainsi, toute copie. Je dois dire que cette technique a ete rudement efficace. Peut-etre meme un peu trop, l’entreprise chargee de produire les masters chez Titus ayant elle-meme rencontre quelques deboires avec ce format pour le moins etrange. Il faut dire que cela ne faisait pas partie du catalogue des protections standards !
La deuxieme partie de la protection se situait au niveau de l’execution sur la machine. La copie physique a l’aveugle ayant ete rendue impossible par nos secteurs demesures, il restait a fabriquer un camouflage du petit secret. Pour ce faire, le loader se decompactait recursivement en memoire RAM centrale jusqu'a en occuper la totalite, ne laissant ainsi plus un seul octet a utiliser par les programmes de hacking. C’est la raison pour laquelle, quelques annees plus tard, on trouvait facilement la version K7 de TITAN dans les abandonware Amstrad, mais jamais la version disquette complete.
"

Menu anime exclusif a la version disquette.


Ingame de la version disquette :

On y distingue l'ombrage des briques ainsi que les paterns du decor.
 
Mais, au fait...
qu'a t-elle de si special cette version disquette de TITAN ?!?!?

Il faut savoir que sur Amstrad, outre la quantite de RAM integree et les considerations d’ordre esthetique, la difference technique entre les modeles de CPC se situait essentiellement au niveau du type de media de stockage employe par la machine. Ainsi, tandis que le CPC464 embarquait un lecteur de cassettes asthmatique, les CPC664 et CPC6128 avancaient quant a eux de veloces lecteurs de disquettes 3 pouces.

Si la petite galette magnetique offrait un acces aux donnees indeniablement plus rapide, plus fiable et plus abondant, force est de constater cependant que les jeux specifiques mettant a profit tous ses avantages relevaient de l’anecdote, les versions disquettes etant quasiment toujours les exactes repliques de leurs pendants cassettes.

Edite a la fois sur les deux supports, TITAN est l’un des rares produits de la logitheque a avoir beneficie de deux versions distinctes dont les contenus etaient adaptes aux capacites intrinseques du media qui les accueillait.

Ainsi, proposant des graphismes plus fouilles (ombre portee sous les briques, motifs de fond, etc.), des options plus nombreuses (sauvegardes, tableau des High Scores, etc.), une presentation animee et, surtout, une duree de vie accrue (80 niveaux contre 16 seulement dans la version cassette), l’opus disquette atteint un niveau de finition extreme !


Philippe Pamart precise : "Pour etre tout a fait honnete, je dois preciser que TITAN a initialement ete concu sur un CPC 664 avec donc tout le confort que pouvait offrir le support disquette. Le resultat a ensuite simplement ete "degrade" afin d’obtenir une version cassette pour les CPC 464.
Pour rendre cet opus sur bande magnetique viable, j’ai eu recours a des routines de compression drastique developpees a l’epoque par mon collegue
Jean-Charles Meyrignac qui excellait alors dans tout ce qui etait un peu complique et requerait des connaissances approfondies en mathematique. Le challenge etait de faire rentrer l’integralite du jeu dans les 64 Ko de RAM de la machine car, sur cassette, on ne pouvait plus se permettre d’effectuer de chargement periodique comme c’etait le cas avec une disquette : l’integralite du jeu devait donc etre charge en memoire d’une seule traite. Mais meme avec la compression poussee a l’extreme, nous n’avons pu faire tenir que 16 tableaux seulement. J’ai meme ete oblige de retirer les donnees graphiques dediees a l’ombrage des briques. On a grappille de precieux octets a droite et a gauche dans le but de sauver tout ce qui etait possible. Sur CPC 6128,iI n’y a finalement eu que tres peu d’utilisation des 128 Ko de RAM. Ceci dit, l’emploi de la disquette avait reellement change la donne en termes de richesse de contenu."


Le DSK de la version disquette de TITAN peut etre telecharge ici :

L'IPF de la version originale (preservee par Denis Lechevalier) peut etre telecharge ici :
 
End of File.